Kalaora Hannah – Masque

De l’Académie (ESAVL)
à la Châtaigneraie 2020
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H. KALAORA – Masque
, 2020 – Huile sur toile – 180×120 cm

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La petite tour de la Châtaigneraie m’a rappelé la douceur subtile de la terre de Palestine.
Les parfums, les goûts, les couleurs me sont revenus avec force.
Les oliviers, les grenades, les mûres et les figues : les fruits.
Les fruits dans mon ventre et les fruits dans ma peinture, les couleurs pétillent.

Un citron pour l’amertume de sa peau et la vitalité de son jus.
Une grenade. L’histoire de Moïse, Jésus et Mohammed retrouvée dans cette grenade ouverte. Le rouge du sang des vivants qui ternit une fois qu’on est mort. La grenade, symbole de l’amour avec ses graines juteuses deviendra plus tard un outil de massacre qui arrête les cœurs.

J’aperçois le défi. Trouver l’équilibre entre la matière, la peinture qui me sert de repère et le véritable envol de l’aigle.
Mais que faire de retour sur terre ? La peinture revient et calme le doute. Revenir à la matière. Et puis sur la terre.

Dans la tour, je me souviens.
Je me souviens de cette terre. Des poèmes, des chants, des danses, des cris, des pleurs et du vent.
Deux phrases me reviennent.
كُلُّ مَنْ عَلَيْهَا فَانٍ et الحب يجعل الحياة ابدية
« Tout sur elle (la terre) doit disparaître » et « L’amour rend la vie éternelle ».

La première est un verset du Coran qui rappelle que nous sommes de passage ici et que toute matière est périssable. La seconde phrase se rapproche de la philosophie soufie et atteste que la mort n’est qu’une illusion.

La terre de Palestine nous percute avec ce rappel constant : « La présence de la mort qui fait partir ceux qui nous sont chers ne peut pas nous enlever cette flamme au fond de nous qui nous fait vivre ».

Un court-métrage avec des images prises en route qui défilent et des pensées qui traversent la Méditerranée en blanc sur fond noir.
Un chamboule-tout qui nous rappelle qu’après tout, c’est aussi un jeu, même si c’est sérieux.
Le citron, la grenade, une plante verte. La peinture, qui comme souvent dans mon travail, fait le lien.

Hannah KALAORA (1991) – Master approfondi en arts plastiques, visuels et de l’espace : peinture – Académie Royale des Beaux-Arts, E.S.A.V.L. / ULiège – Liège (2020).

Une pelote de fil parmi tant d’autres. Une boule de nœuds entremêlés d’une drôle de manière. Chaque peinture, chaque acte artistique posé permet au fil de se dénouer. La boule de fil peut ainsi se transformer et créer un chemin. Le chemin vers soi, vers l’autre soi. Ainsi, après avoir vaincu le Minotaure, Thésée se dirige avec confiance dans le labyrinthe pour retrouver Ariane l’Immortelle en dénouant la pelote de fil qu’elle lui avait offerte. Chaque peinture est une victoire permettant au monstre qui serrait les mâchoires de se détendre et de laisser le fil se dénouer.

D’où partir pour créer ?

De Tout.

Absolument tout ce qui m’entoure.

L’image d’une piscine à boules me vient. L’idée est de choisir la boule qui sera le point de départ.

Pourquoi celle-là et non une autre ? Est-elle plus belle ? Est-elle plus ronde ou plus lisse ? La couleur me plaît-elle plus ?

C’est le lien que je crée avec cette boule-ci en particulier, à ce moment précis qui me pousse à la peindre ou à la sortir de sa piscine pour l’utiliser dans une installation. Ce lien est plus fort que les autres, ainsi la boule en question devient le point de départ d’une composition.

De ce lien tissé entre La Boule et Moi, naît une multitude d’autres liens.

Ainsi, le décor se plante. L’univers se crée.

L’Art devient un moyen plastique de toucher la vie à travers la peinture et les installations.

Je me laisse guider, un peu comme une marionnette par tous ces liens et associations qui apparaissent au fur et à mesure. Comment trouver la cohérence dans la multitude ? Délimiter les contours. Sans le cadre, impossible de saisir, de toucher. C’est une course-poursuite pour rendre l’insaisissable saisissable.

Alors commence le travail du support, un châssis et le choix de la toile que j’encolle dessus, un bout de carton, des photos, des petites vidéos, du papier, des pistaches ou des boîtes de conserve… La loi de l’expansion fait effet ici aussi, et avec le temps les possibilités de supports se multiplient.

Cela dit, c’est justement face à cette diversité infinie que le point de concentration devient fondamental. Dans mon travail, le pinceau qui vient prendre la couleur fait office de « retour à la source ». La peinture me rassure, me réconforte.

Puis, vient le plaisir. Le plaisir des couleurs, le plaisir d’associer, le plaisir de peindre tout simplement. Une autre porte pour l’existence.

Un monde se découvre, un monde se crée.